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Marcel Raval (1921)

Le livre de M. Louis Aragon est une manière de confession d'enfant du siècle - d'un enfant du siècle livré aux exigences dévorantes du rêve moderne. Il sature toutes ses curiosités avec la certitude secrète d'y trouver son propre dégoût. Ce qui advient évidemment. La jeunesse littéraire est soumise à d'inévitables suggestions de suicide (nuance: le suicide est devenu aujourd'hui un tic intellectuel au lieu d'une hantise sentimentale). Anicet, le héros du livre de M. Aragon, y obéit une fois de plus, mais avec cette originalité qu'il se délivre, grâce à la Femme, de cette emprise, alors que la tradition romanesque nous a précisément enseigné le contraire. [...]

Le côté moral de son caractère s'accorde avec les plus fières hérésies de notre période. On évoque invinciblement l'inquiétante et fiévreuse figure de Lafcadio que M. Gide, dans les Caves du Vatican, a douée d'une vie pathétique. Similitude de passions, d'obsessions fortuites. Même gratuité dans l'acte criminel. Anicet en est une réplique à peine plus poussée, enrichie cependant d'un apport de sensibilité qui trahit l'actualité immédiate. [...] Ce qui est inédit, c'est son mépris de l'Art, - l'Art, dernière chimère vivante, divine poupée qu'on avait cru incassable [...].

Mais alors, pourquoi M. Aragon soigne-t-il tant son style? Un critique diagnostiquerait sans doute quelque chose comme 'une résonance bien française' ou 'une plénitude harmonieussement classique". Il y a là une inconséquence qu'un franc dédain de la contradiction peut seul justifier. [...] Il y a certainement plusieurs M. Louis Aragon dans Anicet. [...] La jeunesse est prudente lorsqu'elle est sûre d'elle-même et c'est le cas pour l'auteur d'Anicet dont l'apparente sagesse n'est qu'une certitude qui se refrène. Le loup s'est fait "chaperon" pour nous mieux séduire.

Pierre Drieu La Rochelle (1921)

[...] Mais parmi les radotages qui décèlent l'écrasement de l'esprit sous les lectures accumulées pendant des milliers d'années, la jeunesse d'un Anicet perce déjà. Aujourd'hui, je suis d'humeur à ne goûter en lui que cette saveur moderne: Anicet aime les femmes. Voilà qui est nouveau, voilà qui est de demain. Voilà qui rejette en arrière cette fameuse "fin de siècle" ou plutôt tout ce lointain XIX^e siècle, au cours duquel à cause d'une mauvaise hygiène l'homme a été se brouillant de plus en plus avec la femme.
Mais Aragon, prisonnier encore de l'idéalisme de ses aînés, ne parle pas crûment de ses préférences ni de ses actes.
[...]
Tout est donc à recommencer. [...] Louis Aragon ne commence pas. Il finit.
Cela est conforme à la nature d'une oeuvre dite "de jeunesse". Aragon finit, Aragon liquide. Et cela encore est conforme à la destination du Mouvement Dada, entreprise de liquidation des firmes littéraires du XIX^e siècle, vente à l'encan des métaphores, des formules.
À demain les affaires sérieuses.
Attention au prochain Aragon.
En attendant, il a le droit pour nous figurer sa fuite allègre parmi les ruines du romantisme, du symbolisme, de l'apollinarisme, d'emprunter un peu à Voltaire son mode d'écriture. [...] Ne craignez rien, il n'en est pas pour cela néo-classique. [...] Aragon, quand il entreprend de relater ses premières explorations, feignant de ne pouvoir encore à vingt-deux ans trouver son style, choisit de se soumettre formellement à un modèle illustre. Ces garçons sont fort sages, leur sagesse est menaçante.

Ernst Robert Curtius (1925)

[...] Der Roman "Anicet ou le Panorama" (Verlag der Nouvelle Revue française) ist 1921 erschienen. Da ich ihn nach vier Jahren wieder lese, hat er nichts von seiner Frische verloren. Äußerlich eine Mischung aus Märchen und Kriminalroman, aus der Phantastik des Kinozeitalters geboren, gibt sich das Buch als Seelendokument einer neuen Jugend. [...]
Das Buch ist ein Plädoyer gegen die Schönheit, für die Poesie. [...]

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